Dans le film Matrix le monde est une illusion. Or la physique et la biologie nous apprennent que nous sommes le jouet de nos perceptions. Dans cet article, on descend avec le lapin blanc au fond du gouffre.

Le cauchemar Matrix.

Dans le film, les machines ont pris le contrôle de l’humanité, les cerveaux humains sont connectés à un « métavers », une simulation de la réalité dont ils sont prisonniers. Les sensations tactiles, visuelles, olfactives sont une construction de la matrice, le programme informatique qui a remplacé le réel.

On retrouve ici le mythe de la caverne de Platon, nous ne percevons de la réalité qu’ à travers des ombres floues qui se projettent sur la paroi de la caverne dans laquelle nous sommes confinés.

Notre cerveau est la matrice.

En effet, la science nous apprends que nous sommes dans la situation des personnages de Matrix. Notre perception du monde est construite par notre cerveau qui a le contrôle sur l’interprétation sensorielle de la réalité. Les couleurs par exemple, n’existent pas d’un point de vue purement physique : il y a simplement des photons (particules de lumière) de différentes longueurs d’ondes qui frappent notre rétine. A partir de ce message brut, notre cerveau va initier une sensation colorée. La longueur d’onde des photons correspondant au rouge aura ainsi un traitement spécial issu de notre évolution en tant qu’espèce soumise à la sélection naturelle.
Notre destinée d’humain en terme biologique est de transmettre nos gènes. Notre cerveau va donc fournir à notre conscience des sensations plus ou moins agréables en fonction de ce but biologique. La sexualité, le goût pour la nourriture, le besoin de sociabilité, tous ces éléments participent une construction cérébrale ayant pour but de nous faire « persévérer dans notre être » et celle de notre espèce. La force de notre pulsion de vie, c’est sa capacité à nous manipuler, de nous donner envie et de générer des désirs.

Matrice virtuelle ou cérébrale…même combat.

Que ce soit une machine qui distille le réel à travers une simulation ou notre cerveau qui nous manipule avec des sensations plaisantes ou déplaisantes, cela revient au même, nous sommes le jouet de forces qui jouent pour leur propre compte dans un but qui n’est pas celui de notre émancipation en tant que conscience individuelle. Notre esprit habille le réel pour le rendre désirable et nous mettre en mouvement. Dans le film Morpheus dit à Néo : « la matrice est le monde qu’on superpose à ton regard pour te masquer la vérité: tu es un esclave. »

Comme dans Matrix notre système économique et politique est une illusion basée sur des croyances et du storytelling.

La prédation avance masquée.

Notre cerveau nous manipule, mais une autre forme de manipulation est à l’œuvre dans nos vies.
Dans Matrix, les machines ont besoin des humains pour en tirer une sorte d’énergie. La matrice a donc des angles morts, des inefficiences qui la rend dépendante d’êtres qui ont une histoire évolutive dans le monde réel. Les humains offriraient donc à la matrice une dimension à laquelle elle n’a pas accès en raison de la nature de son programme. Dans le film, les humains sont des outils, des esclaves. Les machines vont donc exercer une prédation fine en laissant croire aux humains qu’ils disposent de leur libre arbitre.

Dans notre monde, les grandes règles qui gouvernent nos vies sociales sont dictées par un système politico-économique qui exerce une forme de prédation sur notre énergie, notre attention et qui instrumentalise nos besoins et pulsions. Pour nous mettre en mouvement et nous guider dans une trajectoire qui lui est favorable, ce système induit des désirs par des images, des vidéos, des histoires qui génèrent des émotions et déclenchent des pics de dopamine (hormone du plaisir) dans notre cerveau. La publicité, le besoin d’être intégré, la peur du rejet, de la solitude, de l’ennui et de l’inconfort sont des éléments qui nous façonnent. Implicitement nous offrons notre consentement à notre servitude car notre perception du réel nous indique qu’il en va de notre intérêt. Une partie de notre être accepte ce que la Boétie nommait « la servitude volontaire ». Les écrans et les divertissements monétisés endorment notre volonté d’émancipation tout autant qu’ils génèrent des profits.

Le système financier : de la confiance et des croyances

L’irrationalité collective ou l’inefficience des marchés font partie de l’expérience historique des marchés financiers depuis la formation et l’effondrement de bulles spéculatives sur les premières grandes places boursières : la « Bulle des tulipes » à Amsterdam au XVIIe siècle, la « Bulle des mers du Sud » à Londres au XVIIIe siècle ou encore la « Railway Mania » aux États-Unis au XIXe siècle. Loin d’être efficients et basés sur de la rationalité, les marchés financiers offrent aux pulsions humaines un terrain de jeu où les plus informés, les moins émotifs et les plus fortunés tirent leur épingle du jeu. Un jeu où l’on vend du rêve, des garanties de retraite ou d’assurances sur le fantasme d’une modélisation parfaite du réel. Une forme de prédation sur les masses bercées d’illusion.

Matrix: une métaphore de la société des écrans et de l’hypersurveillance.

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